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J’ai fait le voyage du "Dignité - Al Karama"
mercredi 3 août 2011, par
Jeudi 23 juin, en début de soirée, je reçois un message
sur mon portable puis un coup de fil. On a besoin de moi sur le « bateau
français pour Gaza ». Promptement je m’organise, je n’ai pas beaucoup de temps
devant moi. Le départ du bateau « Dignité » est prévu le samedi 25 juin à 9h du
matin, du port de San Ambrogio en Corse !
Depuis le lancement du projet « un bateau français pour
Gaza » en janvier, l’idée de participer à ce grand mouvement de solidarité ne me
quitte pas, les condamnations et les protestations ne suffisent plus. Je me sens
dans l’obligation d’agir pour rompre le silence complice de nos gouvernements et
dénoncer cette injustice mais aussi le marchandage politique stérile qui la
couvre afin de la justifier pendant qu’un million et demi de Palestiniens
souffrent et manquent de tout dans l’indifférence générale.
Vendredi, c’est le départ vers la Corse. Après deux
escales à Paris et à Marseille, j’arrive en fin d’après midi à Ajaccio où je
suis accueilli et hébergé pour la nuit par des amis. Le matin tôt, après trois
heures de route sinueuse, me voilà au point de départ devant un yacht de 19 m,
le « Dignité » « Al-Karama », un nom qui résume toute la situation.
Des sympathisants étaient là pour nous soutenir, tandis
que sur le pont l’équipage (3 marins et 2 convoyeurs) était prêt à appareiller.
J’ai eu juste le temps de dire au revoir à l’ami qui m’a hébergé qu’un marin
lève l’ancre à l’heure prévue et le bateau s’éloigne sous les applaudissements
et les encouragements qui nous accompagnent. Nous commençons un long
voyage.
Très vite la vie s’organise à bord. Je me présente et je
fais connaissance avec Laurent le capitaine, Vincent le second, Hilaire et
Yannick les deux marins et Omeyya Seddik représentant de « la Fédération des
Tunisiens pour une citoyenneté des deux rives », convoyeur comme moi du «
Dignité ». J’étais le seul représentant de l’association France Palestine
Solidarité et le second représentant du comité de coordination à bord du «
Dignité » avec Omeyya.
Dix minutes plus tard, des journalistes et un cameraman
nous ont rejoints sur une petite embarcation rapide, avec Julien, du comité de
coordination de la campagne. Nous échangeons quelques mots, un drapeau
palestinien à la main je salue à plusieurs reprises nos accompagnateurs comme le
reste des passagers et le bateau reprend sa vitesse de croisière.
Le soir, passagers et équipage nous faisons le point et
établissons le programme de la traversée. Omeyya et moi-même nous sommes
intégrés dans l’emploi du temps après un cours de navigation et quelques
conseils sur l’utilisation du GPS et du compas maritime. Nous devons assister
l’équipage, car la distance à parcourir est longue.
A tour de rôle, pendant que les uns se reposaient, deux
membres de l’équipage assuraient la navigation, car nous devons naviguer jour et
nuit. Notre prochaine étape sera Naples pour se ravitailler en
gasoil.
1730 km nous séparent de notre point de rendez-vous. En
partant de San Ambrogio nous mettons le cap sur Naples, Messine, Régio Calabria,
Patras, Corinthe, et enfin Salamine par le canal de Corinthe. A bord, notre vie
est réglée comme une montre : le ménage, les repas, la vaisselle et la lessive.
Et surtout, chacun de nous assure son quart en vrai marin.
Nous avons navigué jour et nuit pour arriver enfin le 29
juin au soir à notre point de rendez-vous en Grèce où nous sommes restés cachés
à distance du Pirée. Quelques nouvelles très brèves nous parlent de sabotage sur
deux bateaux de la flottille…la prudence est de mise.
Le 30 juin, Laurent, notre Capitaine, Yannick le marin et
Omayya ont débarqué en fin d’après- midi pour faire quelques courses ; le soir
même des nouvelles alarmantes nous parviennent : ils se sont faits agresser à
Athènes.
Resté à bord, avec Vincent et Hilaire, inquiets sur l’état
de santé de nos trois autres compagnons, nous essayons de trouver des solutions
pour nous ravitailler en eau et réparer quelques pannes survenues lors de notre
traversée. La tension est visible sur nos visages mais toujours la même
détermination qui nous anime. Il nous faut rallier Gaza.
Les rares nouvelles qui arrivent sur mon portable nous
rassurent tant bien que mal sur nos compagnons mais surtout nous invitent à
redoubler d’attention car les informations en provenance du port d’Athènes ne
sont pas rassurantes. Le gouvernement grec semble vouloir immobiliser tous les
navires de l’expédition à quai. Le comité de coordination de la Flottille de la
Liberté a été reçu à l’ambassade de France en Grèce et à l’ambassade américaine
mais sans résultat.
J’ai débarqué le 2 juillet, pour rejoindre le reste de
l’équipe à Athènes avec un petit pincement au cœur comme si la moitié de
moi-même était restée sur ce bateau avec le reste de l’équipage. Avant de
quitter le « Dignité », j’avais accueilli à bord Olivier Besancenot et Julien
Rivoire du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) et Nicole Kiil-Nielsen, députée
européenne Europe-Ecologie, la syndicaliste Annick Coupé, porte-parole de
Solidaires ainsi que quatre militants pro-palestiniens : Jacqueline Le Corre,
médecin, représentant le collectif 14 et membre de l’association
France-Palestine Solidarité, Oussama Muftah, membre du Collectif 59 Palestine,
Nabil Ennasri, président du Collectif des musulmans de France.
Après avoir subi les tracas habituels et présenté mon
passeport à l’accueil de l’hôtel où les autres membres de l’équipe attendaient
de pouvoir partir sur l’autre bateau français, le « Louise Michel », mon amie
Claude Léostic, vice présidente de l’AFPS et membre du comité de coordination de
la Flottille de la Liberté II, m’a présenté à quelques participants réunis dans
une grande salle qui jouxte l’accueil. Nous sommes sortis avec quelques amis
pour nous restaurer, en petit groupe, à quelques mètres de l’hôtel. Pour la
petite histoire quelqu’un du groupe me faisait remarquer qu’on était suivi par
des policiers en civil.
Le 3 juillet avec tous les passagers nous avons entamé une
grande marche à Athènes, qui s’est terminée devant le ministère de l’intérieur
grec, pour protester contre cette interdiction illégale. Nos amis grecs étaient
présents en masse pour nous soutenir et pour nous guider.
Le soir- même j’avais pris ma place sur le
«Louise-Michel», plus grand et plus spacieux que le « Dignité », une réunion
s’imposait devant le refus des autorités grecques de nous délivrer le document
en règle du bateau mais non encore signé par les autorités maritimes du port
d’Athènes. Cette signature était absolument nécessaire pour que notre bateau,
comme le reste de la flottille, puisse reprendre sa route vers
Gaza.
Nous savions que les Etats-Unis, Israël et tous les pays
européens faisaient pression sur le gouvernement grec pour nous empêcher de
partir vers Gaza. Désormais nous sommes devenus les otages d’un Etat grec qui
est lui-même objet de pressions et de marchandages politiques de bas étage
orchestrés par Israël, les Etats-Unis et l’Europe. Nous avons acquis la
certitude que le blocus de Gaza que nous voulons briser commence en Europe. La
démonstration en a été faite !!!!
Le 4 juillet malgré les intimidations, les agressions et
les sabotages de tous genres, notre détermination est restée intacte, elle est
visible et palpable dans les actes et les paroles de chacun de nous. Nous
décidons d’une action médiatique. Beaucoup de visiteurs montent à bord du «
Louise-Michel ». Parmi eux, nous avons eu la visite et le soutien de l’équipe
américaine dont le bateau est bloqué dans une base navale grecque sur ordre des
États-Unis et dont le capitaine est emprisonné pour « troubles à la circulation
» dans le port d’Athènes.
Mustapha Barghouti, député palestinien et acteur de la
réconciliation entre Palestiniens, venu soutenir la flottille de la liberté, est
aussi à bord du « Louise-Michel ». Je me suis longuement entretenu avec lui. Il
a salué le courage et la détermination des hommes et des femmes de la société
civile française et internationale.
L’apparition des drapeaux français, palestinien et
européen suscite beaucoup d’applaudissements à bord du « Louise-Michel » et sur
le quai, les appareils photos crépitent, les médias présents ne chôment pas, des
groupes de discussion se forment ici et là.
C’est un grand moment de solidarité internationale sous
les projecteurs des médias. Quant à moi, je suis ailleurs, mes pensées sont avec
ce petit bateau caché quelque part dans le dédale des iles grecques. Ce frêle
esquif de l’espoir, que j’ai convoyé et à bord duquel j’ai laissé 11 passagers
aussi déterminés à prendre le large pour porter un message de paix qu’on ne
cesse de se relayer de port en port comme dans une course de relais, est prêt à
voguer vers Gaza.
Une décision est prise, le comité de coordination
accompagné du capitaine et de Mustapha Barghouti se dirige vers les bureaux des
affaires maritimes du port pour réclamer le document manquant et pour faire
lever l’interdiction illégale et contraire aux accords de Schengen qui bloque le
« Louise-Michel ». Beaucoup de médias sont présents à bord et sur le quai,
d’autres se précipitent vers le comité qui essuie un refus définitif et
irrévocable de la part des autorités maritimes grecques.
La pression est à son comble, nous ne pouvons accepter que
le droit soit bafoué et que certains de nos hommes politiques s’agenouillent
devant le diktat israélien et devant ce refus. Le « Louise-Michel », ancre levée
et moteurs en marche, fait une tentative de départ.
Nous sommes en Europe au sein même de l’espace Schengen où
la notion de « espace de liberté, de sécurité et de
justice » a été adoptée et signée par les pays membres à
Lisbonne en 2007. En théorie nous sommes donc libres de porter notre aide à tout
un peuple qui vit dans l’enferment et menacé de mort lente par un blocus aussi
illégal que criminel imposé par Israël avec la complicité des grands pays qui se
veulent démocratiques. Mais un pays européen signataire des conventions de
Genève et de Schengen nous empêche de faire notre devoir simplement parce qu’un
état voyou non européen s’y oppose.
Nous sommes des citoyens, femmes et hommes qui
représententons la société civile, unis pour briser le siège de Gaza, pour faire
respecter le droit international et pour répondre à la crise humanitaire que
subit un million et demi de Palestiniens dans une prison à ciel ouvert, au vu et
au su de toute la communauté internationale.
Nous sommes les représentants pacifiques de ces milliers
de donateurs en France et dans le monde. Nous sommes porteurs d’un message de
paix et de solidarité aux enfants de Gaza pour leur redonner l’espoir d’une vie
et d’un monde meilleurs. Malheureusement notre élan est entravé par nos propres
gouvernements qui se font complices d’un état voyou et criminel.
Mais nous n’avons pas dit notre dernier mot et la
traversée de France en Grèce de ce petit bateau le « Dignité » ne s’est pas
faite pour rien, nous avons choisi de braver l’indigne complot.
Quelques jours après, le « Dignité » Al-Karama réussit
enfin à prendre le large. Il sera le symbole de la détermination de la
conscience des peuples à mettre fin au calvaire des Palestiniens de
Gaza.
Je n’ai pas cessé de penser à mes amis Hilaire, Yannick,
Omeyya, Vincent et Laurent ni à ces discussions qui ont émaillé cette traversée.
Je suis fier d’eux, comme je suis fier de Claude et de Jean Claude, ils se
reconnaîtront j’en suis sûr, je suis fier des 16 passagers du « Dignité » qui
ont fait route vers Gaza.
Israël et ses alliés se targuent et se félicitent d’une
victoire de l’illégalité sur la légalité, de l’injustice sur la justice et du
non droit sur le droit, mais en réalité ils ont perdu l’essentiel : Leurs
agissements ont suscité l’indignation des citoyens de ce monde. Demain nous
serons plus nombreux à vouloir briser ce blocus et à rétablir le
droit.
Notre détermination reste intacte malgré les
intimidations, les agressions, les sabotages forts de la légalité et des lois
internationales. Forts de notre engagement dans cette voie pacifique, nous
renouvèlerons cette action car nous aspirons tous à joindre Gaza et à briser ce
blocus criminel :
– Parce que nous refusons de voir 1 million et demi de
personnes sous blocus.
– Parce que nous n’acceptons pas que nos Etats se
contentent de paroles jamais suivies d’actes.
– Parce que nous pensons que la communauté internationale
doit imposer la levée totale du blocus de
Gaza.
Devant l’inaction des démocraties complices de crimes
contre l’humanité, nous, citoyens du monde avons pris sur nous de rompre le mur
de l’indifférence et pour rappeler à ces mêmes Etats qu’il n’y a aucun
échappatoire au rétablissement du droit et de la justice.
Pendant ces semaines intenses de solidarité
internationale, j’ai eu le plaisir de faire connaissance avec des personnalités
politiques françaises connues présentes sur le « Louise-Michel » ainsi que de
nombreux citoyens épris de justice et de droit, qui pour la plupart ont laissés
derrière eux une famille, pour venir témoigner de leur solidarité avec le peuple
palestinien.
Très ému de ma rencontre avec Mustapha Barghouti avec
lequel j’ai évoqué la situation en Palestine, la réconciliation, les révoltes
arabes et bien d’autres sujets, je reste convaincu de la justesse de notre
démarche et de la victoire politique de la Flottille de la Liberté.
Moncef CHAHED,
AFPS PAU
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Non au terrorisme de l’Etat d’Israël
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